La Ville de Saint-Quentin interdit aux citoyens de photographier ou de filmer les débats pendant les assemblées publiques. Censure et atteinte à la liberté d’expression? Plutôt une façon de permettre aux élus de faire leur travail sans distraction inutile ni intimidation.

Depuis la pandémie, Saint-Quentin diffuse ses réunions sur sa page Facebook. Vous voulez savoir quels arrêtés municipaux ont été adoptés le 9 avril 2024? Une vidéo d’une durée de près de deux heures répondra à vos questions.

Saint-Quentin n’a rien inventé. Un nombre grandissant de municipalités font de même, sur Facebook ou sur YouTube. Il s’agit d’une manière efficace de faire preuve de transparence.

En effet, de nombreuses assemblées municipales ont lieu devant une poignée de gens. Ce manque d’intérêt n’est pas étonnant, puisqu’il existe des façons plus excitantes de passer un lundi soir. De nos jours, un citoyen peut regarder la réunion en ligne, en direct ou en différé, dans le confort de son salon. Il n’a pas besoin de visionner l’ensemble des débats. Il peut même sauter directement au point de l’ordre du jour qui l’intéresse. Nul besoin d’être présent ou d’attendre une hypothétique diffusion à la télé communautaire.

À Saint-Quentin, des citoyens ont pris l’habitude d’assister aux réunions mensuelles et de braquer leur téléphone sur les membres du conseil pour les filmer. Or, nous l’avons écrit plus haut, les débats sont déjà diffusés en ligne.  Où est l’intérêt d’agir ainsi?

Il faut comprendre que durant la pandémie, des individus sont devenus des vedettes locales des médias sociaux en dénonçant les restrictions sanitaires. Certains sont trumpistes; d’autres sont conspirationnistes ou rêvent d’un nouveau convoi dit de la liberté. Tous ont en commun une volonté de dénoncer l’establishment, de faire du bruit et surtout de gagner en visibilité.

Ces personnes n’assistent pas aux assemblées publiques mensuelles pour connaître le résultat d’un vote de deuxième lecture portant sur un changement aux règles de zonage. Leur but est plutôt de prendre en défaut le maire ou ses conseillers, de se filmer sur place et de diffuser du contenu sur les médias sociaux.

Ils tentent de collectionner les «J’aime» et de provoquer l’engagement. Une vidéo mettant en vedette un citoyen dénonçant à tort ou à raison le conseil municipal, suivi de quelques secondes d’images présentées hors contexte, permettra d’obtenir davantage de clics que de partager le lien officiel de l’assemblée au complet.

Cette stratégie est utilisée à outrance par le Parti conservateur du Canada. Certains députés posent des questions aux ministres à la période des questions et lors des comités parlementaires dans le but avoué de produire du contenu pour leur compte X (anciennement Twitter) ou Facebook.

C’est ce qui avait mené la controversée députée conservatrice albertaine Rachael Thomas à prier la ministre  fédérale du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, de lui parler en anglais, en novembre 2023. Il est difficile de provoquer la colère de ses concitoyens sur X contre les propos d’une ministre quand celle-ci répond aux questions dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas.

La Ville de Saint-Quentin a de son côté choisi de s’attaquer directement à la source du problème.

Elle interdit aux gens présents dans la salle de filmer les réunions et a cessé de diffuser la période des questions, devenue une scène mettant en vedette des producteurs amateurs de contenus pour réseaux sociaux.

Les conseils municipaux, à Saint-Quentin comme ailleurs, doivent faire preuve de transparence. Nous critiquons les municipalités qui ont trop souvent recours au huis clos.

Nous croyons cependant que les élus municipaux doivent accomplir leurs tâches sans être intimidés, autant en ligne que dans l’édifice municipal. Il n’y a pas grand-chose de plus intrusif et désagréable que de voir quelqu’un planter son téléphone intelligent devant votre visage, avec des intentions malveillantes, alors que vous êtes en train de prendre la parole.

Les effets pervers sont bien réels. Au Québec, environ 10% des élus ont démissionné depuis les élections municipales de 2021, la plupart en raison du climat malsain.

Trop peu de personnes qualifiées consacrent leur temps comme maire ou conseiller. Il faut prendre les moyens pour éviter de les dégoûter de la vie municipale.

Les critiques font partie de la vie municipale. Mais quand des citoyens dépassent les bornes, le conseil est dans son droit d’agir afin d’assainir le climat et d’empêcher les dérapages.

logo-an

private

Vous utilisez un navigateur configuré en mode privé ou en mode incognito.

Pour continuer à lire des articles dans ce mode, connectez-vous à votre compte Acadie Nouvelle.

Vous n’êtes pas membre de l’Acadie Nouvelle?
Devenez membre maintenant

Retour à la page d’accueil de l’Acadie Nouvelle